Article de Politique nationale - Publié le Mardi 27 Février 2024

La crise agricole : rien n’est réglé !

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    L’ouverture du salon de l’agriculture a été marquée par des débordements qui ont perturbé l’inauguration par le Président de la République. Il s’en est suivi un ensemble de déclarations visant à apaiser la colère des agriculteurs. Mais on peut craindre que la mise en œuvre concrète des propositions avancées ne demande beaucoup de temps et que ces dernières ne règlent pas les problèmes de fond de notre agriculture.

Les débordements qui se sont déroulés à l’ouverture du salon de l’Agriculture traduisent la grande défiance d’une majorité des agriculteurs vis-à-vis du gouvernement. Suite aux fortes mobilisations des dernières semaines, Gabriel Attal avait, certes, été amené à prendre une succession de mesures pour tenter de répondre aux diverses revendications concernant tant notre politique nationale que celle menée par l’UE. Mais si certaines ont pu paraitre satisfaire les attentes du syndicat majoritaire, elles ne remettent pas en cause les choix de la politique agricole européenne visant à satisfaire les intérêts de l’agro-industrie et de la grande distribution. Cette orientation oblige à une concurrence effrénée pour produire à bas coûts entrainant une baisse de revenus pour une majorité d’agriculteurs, une course à l’extension des surfaces des exploitations et à une réduction massive du nombre de fermes.  Pour les communistes, une indispensable réorientation de l’agriculture doit être mise en œuvre, basée sur la recherche d’une plus grande souveraineté alimentaire, garantissant une juste rémunération des agriculteurs et leur permettant de prendre en compte les exigences environnementales de production.

Une juste rémunération des agriculteurs : une priorité vitale

C’est une question récurrente qui a contraint le gouvernement à mettre en place en 2018 la loi EGALIM, censée garantir des prix rémunérateurs pour les agriculteurs, leur permettre de vivre de leur travail et d’engager les investissements nécessaires.  En effet, entre 2001 et 2022, les marges des distributeurs ont augmenté de 188%, celles des industries de l’agroalimentaire ont progressé de 60%, mais celles des éleveurs ont baissé de 4%, ce qui ne leur permet pas de couvrir leurs coûts de production. De plus, cette répartition injustifiable des marges qui étrangle les agriculteurs ne profite aucunement aux consommateurs.

Faute de résultats, la loi EGALIM a été remaniée en 2021 et 2023 pour tenter de la rendre plus efficace, mais en vain. Dans l’urgence, Bruno Le Maire vient de s’engager à prendre des sanctions contre les entreprises qui la contournent. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait auparavant ?

Le gouvernement vient également d’annoncer qu’il avait demandé à la Commission européenne de lancer un chantier pour en finir avec les pratiques de certaines centrales d’achat implantées à l’étranger permettant d’échapper à la loi EGALIM. Une démarche qui risque de demander beaucoup de temps ! Le gouvernement s’est, par ailleurs, engagé à une nouvelle refonte de cette loi d’ici l’été.

En finir avec la multiplication des accords de libre-échange

Dans sa logique libérale, l’UE multiplie les accords de libre-échange qui favorisent les productions agricoles à bas coûts, mais qui ne respectent pas nos normes de production en matière de santé et d’environnement. Il s’agit là d’une concurrence déloyale pour notre agriculture, mais voulue pour obtenir des contreparties favorables à d’autres secteurs d’activité. L’UE fait clairement le choix de sacrifier l’agriculture. Après l’accord UE-Mercosur (Amérique du Sud) signé en 2019, mais toujours pas ratifié par les Etats, plusieurs autres sont en discussion : avec la Nouvelle Zélande (lait et viande), avec le Chili (pommes) et aussi avec le Canada, le Mexique… Sans parler des accords avec l’Ukraine qui bénéficie de la suppression des droits de douane pour l’exportation de produits agricoles (poulet, blé…) aux mains d’oligarques et de fonds de pension américains, dont BlackRock.

Urgence à renforcer notre souveraineté alimentaire

Poussées par la recherche du profit maximal, les entreprises de l’agroalimentaire et de la distribution recherchent sur le marché mondial les produits à bas coûts et, ce, au détriment de nos productions. Ce recours à des importations étrangères a amené l’UE à envisager un développement des terres en jachère. Cette proposition scandaleuse a suscité une vive réprobation des agriculteurs pénalisés par la montée des importations. Ainsi, 71% des fruits consommés en France sont importés, 28% des légumes, 50% de la viande ovine, 42% de la volaille et 20% de la viande bovine.

Cette délocalisation des productions agricoles a entrainé la disparition de nombreuses exploitations dans notre pays, incapables de résister à cette concurrence déloyale. Certes, des échanges internationaux seront toujours nécessaires, mais l’alimentation est un secteur vital qui impose de disposer d’une souveraineté. Par ailleurs, la réduction de l’impact du transport de ces produits, qui transitent sur des milliers de kilomètres, est une nécessité pour l’environnement.

Nécessité d’adapter notre production agricole aux impératifs environnementaux

La crise climatique que nous traversons impose de changer nos modèles de production agricole, trop souvent destructeurs des sols et de la biodiversité. Dans ce but, plusieurs versions de plans Ecophyto ont été mises en place depuis 2008 dans l’objectif de réduire de 50% l’utilisation de produits phytosanitaires. Mais leur efficacité s’est révélée très modeste et a rencontré une vive contestation de la part de nombreux agriculteurs. Le gouvernement vient de décider la suspension de ce plan Ecophyto.

Cependant, certaines organisations agricoles, certes minoritaires, sont favorables à cette démarche de réduction des produits phytosanitaires. Elles demandent un renforcement de la recherche publique pour valider de nouvelles pratiques culturales alternatives. Pour la période de transition, elles souhaitent également des mesures d’accompagnement pour ceux qui les mettent en œuvre. Ces aides pourraient provenir d’une réorientation des subventions de la PAC qui profitent actuellement principalement aux gros agriculteurs pratiquant une agriculture productiviste.  

Un enjeu pour les prochaines élections européennes

Dans le cadre de leur programme pour les élections européennes, les communistes préconisent une réorientation des politiques agricoles européenne et française. Ils demandent une autre répartition des fonds européens avec l’objectif de reconstruire notre souveraineté alimentaire et de retrouver, d’ici 2030 dans notre pays, 500 000 agriculteurs correctement rémunérés grâce à une autre répartition de la valeur ajoutée agroalimentaire et à la fixation de prix garantis par l’Etat en lien avec les filières professionnelles. S’ils partagent en partie la proposition de création de « prix planchers » mis en avant par le gouvernement, ils rappellent que les députés communistes, par la voix d’André Chassaigne avaient déposé à 3. reprises, en 2009, 2011 et 2015 une proposition dans ce sens, mais qu’elle avait été rejetée par les différents gouvernements en place. Que de temps perdu ! De plus, pour les communistes, il est vital d’accompagner les agriculteurs pour qu’ils réussissent les indispensables nouvelles pratiques agriculturales face à la crise climatique qui s’approfondit chaque jour.