Article de Politique nationale - Publié le Dimanche 5 Avril 2020

Crise sanitaire : Pierre Laurent, Sénateur PCF, interpelle le Président Macron

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    A la demande du Président Macron, deux hauts fonctionnaires ont rendu  le 1er avril un rapport sur l'avenir de l'hôpital pubic. Il apparait que les orientations proposées se traduiraient par une accélération des processus de privatisation et marchandisation de l'hôpital public. Dans un courrier adressé le 2 avril au Président Macron, Pierre Laurent indique que les propositions de ce rapport sont contradictoires avec les propos tenus lors des différentes déclarations faites depuis le début de la crise et tournent le dos aux attentes tant des personnels de santé que des besoins de nos concitoyens.

En pleine crise sanitaire, et alors que l'on se questionne sur le "jour d'après", la Caisse des Dépôts a rédigé le 1er avril 2020 une note sur l'avenir de la santé publique en France. Une note préparée à la demande de l'Elysée. Loin d'être un poisson d'avril, cette note a de quoi inquiéter les personnels soignants et les citoyens. En effet, ne tirant aucune leçon de la crise que nous traversons, elle propose ni plus ni moins de poursuivre le processus de privatisation de la santé publique.

Un seul exemple : toute la note ne cesse de faire référence au secteur privé, comme si c'était l'avenir de la santé publique... Les assureurs privés sont même présentés comme d'importants relais contre le Covid-19. Non cités dans la note, les personnels soignants qui luttent au jour le jour contre le virus et mettent en danger leur vie apprécieront...

Au contraire, les communistes portent une autre vision de la santé pour l'après-crise : plan d'investissement de 10 milliards, embauches massives à l'hôpital public, nationalisation des entreprises permettant de produire du matériel médical, loi-cadre sur santé publique, lutte pour l'accès aux soins de toutes et tous, démocratie sanitaire...

Retrouvez ci-dessous la lettre que Pierre Laurent, Sénateur PCF de Paris, a écrit au Président de la République suite à la parution de cette note.

 Lettre de Pierre Laurent au Président Macron

"Monsieur le Président,


En contact quotidien comme sénateur de Paris avec des médecins et des personnels soignants de l’AP-HP, je tiens à vous alerter sur la grave rupture démocratique ressentie sur le terrain et dans toute la population. Tout le monde fait face. Les acteurs de la santé publique sont exemplaires. Ils se donnent corps et âme pour sauver des vies, mais ils attendent clairement que la suite ne ressemble en rien à ce qu’ils vivent en réalité depuis des années, et encore plus durement ces dernières semaines. Demain, les mots ne pourront pas rester lettre morte, sinon la colère sera immense.

Le 12 mars dernier, lors de votre première intervention télévisée sur la lutte contre le coronavirus, vous déclariez notamment : « ce que révèle déjà cette pandémie, c’est que la santé gratuite sans conditions de revenu, de parcours ou de profession, ne sont pas des coûts ou des charges, mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe […]. Il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché ».

Inutile de vous dire combien je partage cette pétition de principe qui, depuis la création de la Sécurité sociale, fonde la ligne de conduite des communistes en matière d’accès à la santé et à la protection sociale. La pandémie met aujourd’hui à nu les choix politiques contraires faits depuis des années, choix que notre pays et sa population paient en ce moment très cher.

Durant les premières années de votre quinquennat, je n’ai cessé d’alerter avec les parlementaires de mon groupe, sans jamais être entendu. J’ai rencontré les personnels et médecins, notamment de l’AP-HP, à de multiples reprises à l’occasion des débats parlementaires comme du tour de France des hôpitaux que nous avons initié de 2018 à 2019. Afin de relayer l’ampleur des exigences exprimées, qui disaient déjà tout des risques encourus face à une grave crise sanitaire, nous avons élaboré une proposition de loi d’urgence pour l’hôpital et la santé, dont le fil conducteur est précisément de placer la santé au-dessus des lois du marché.


Le 25 mars, vous avez enfin affirmé à l’hôpital de Mulhouse, un établissement au premier rang du désastre, qu’  "à l’issue de cette crise, un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières sera conduit pour notre hôpital". De telles paroles en pareilles circonstances ne peuvent être prononcées à la légère.

Or, le premier avril, un article de Médiapart révèle qu’à la demande de l’Élysée une note de travail rédigée par deux hauts fonctionnaires de la Caisse des Dépôts esquisserait un plan pour l’hôpital prenant la direction exactement contraire à tout ce qu’exige la population et la très grande majorité des médecins et soignants de France, et en l’occurrence au principe même que vous évoquiez le 12 mars. Ce plan consisterait en une accélération massive des processus de privatisation rampante et de marchandisation des hôpitaux qui prévalent depuis des années et nous ont conduit à la dramatique situation actuelle. Pour le moins, des éclaircissements rapides sont nécessaires.

Monsieur le Président, êtes-vous en mesure de démentir sans ambiguïté cette direction de travail et existe-t-il d’autres notes de travail du même type déjà en circulation auprès de vos services ? Au-delà, pouvez-vous garantir que le plan pour l’avenir de l’hôpital que tout le pays attend ne sera pas élaboré dans le secret de notes confidentielles sans y associer avant publication les médecins et les personnels, sans y associer la représentation nationale ?

 Un processus transparent, national, doté de moyens publics, à l’image du grand débat national, ne serait-il pas plus approprié à construire le plan pour l’hôpital et le système de santé publique dont notre pays a besoin demain ? C’est en tout cas la proposition que je vous fais. Avec mes collègues parlementaires, nous sommes disposés à nous investir pleinement dans une telle élaboration citoyenne. Nous misons résolument sur l’intelligence collective de toutes les composantes de la Nation pour construire un plan d’avenir pour nos hôpitaux, nos Epad et notre système de santé. Seule la démocratie peut reconstruire la confiance.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes salutations distinguées."

 Pierre Laurent , Sénateur PCF de Paris

Le 2 avril 2020