Certains, pour masquer leurs responsabilités, s’efforcent de faire croire que l’augmentation des coûts de l’énergie est due uniquement à la guerre en Ukraine. Ce conflit a, certes, engendré une explosion des prix, en particulier celui du gaz et aussi celui de l’électricité qui lui est corrélé, conformément aux règles aberrantes du marché de gros européen de l’électricité.
Or, si notre pays est de plus en plus contraint d’avoir recours à ce marché purement spéculatif, c’est parce que nos dirigeants ont choisi de réduire ses capacités de production d’électricité pilotable (en particulier le nucléaire) au profit des énergies renouvelables qui présentent l’inconvénient d’être intermittentes et incapables de répondre à tous moments aux besoins d’électricité. Cette situation, aggravée par le contexte international, fait craindre pour cet hiver des pénuries d’électricité. Mais il ne faut pas occulter que ces difficultés d’approvisionnement sont la conséquence d’un ensemble de choix politiques imposés par l’UE et acceptés par les différents gouvernements qui se sont succédés depuis près de 30 ans.
Volonté de l’UE de libéraliser l’énergie et d’affaiblir les groupes publics, en particulier EDF-GDF
Dès le début des années 1990, les dirigeants européens ont affirmé leur volonté de « casser » les monopoles publics nationaux y compris dans le domaine de l’énergie. En 1997, les Verts exigent, pour faire partie du gouvernement Jospin, l’abandon de Superphénix, réacteur de 4ème génération. Un coup dur pour le développement de notre filière nucléaire et pour EDF qui était alors le seul à maitriser cette technologie de pointe, laquelle est développée maintenant par les USA, la Chine, la Russie…
En 2003, une nouvelle étape est franchie en matière de libéralisation de l’énergie, voulue par l’UE, avec la création du marché unique de l’électricité en Europe, dispositif qui visait à ouvrir à la concurrence le marché pour, prétendait-on, faire baisser les prix, afin d’en finir avec les monopoles publics.
En 2007, c’est sous la présidence Nicolas Sarkozy que le groupe EDF/GDF est scindé en deux : l’activité gaz est confiée à un groupe privé, à savoir Suez, qui prendra plus tard le nom d’Engie et EDF perd le monopole de la commercialisation de l’électricité qui est désormais progressivement ouverte à des opérateurs privés.
En 2010, le gouvernement fait adopter la loi NOME qui oblige EDF à vendre 25% de sa production nucléaire, à un tarif inférieur au prix de revient, au profit des opérateurs privés afin de booster leurs affaires. Cette décision fait perdre à EDF de nombreux clients, attirés par les propositions alléchantes, mais éphémères, de ces concurrents privés. En effet, dès 2021, en raison de l’emballement des prix sur le marché de l’électricité, plusieurs dizaines d’entre eux (Leclerc, Cdiscount, OHM Energie, Iberdrola etc…) ont rompu unilatéralement ces contrats et arrêté la fourniture d’électricité au détriment de leurs clients, contraints de rechercher un nouveau fournisseur.
En 2015, sous la présidence de François Hollande, est adoptée la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte qui fixe, pour 2050, l’objectif de réduire de 50% notre consommation d’énergie grâce à l’efficacité et la sobriété énergétiques, de porter la part des énergies renouvelables à 30% en 2030 et de réduire à 50% la part du nucléaire dans la production d’électricité dès 2025. Elle prévoie en outre la fermeture de 12 centrales nucléaires, en plus de celle de Fessenheim. Un nouveau coup dur pour la filière nucléaire française qui assurait depuis plusieurs dizaines d’années 75% de la production électrique de notre pays.
En 2018, le Président Macron, inquiet du recul de nos capacités de production électrique, repousse à 2035 le projet d’arrêt des 12 centrales nucléaires annoncé initialement pour 2025 dans la loi de transition énergétique.
Mais en février 2022, on assiste à un revirement total d’orientation : Emmanuel Macron annonce à Belfort son intention de construire 6 centrales nucléaires EPR, tout en se prononçant pour une accélération du développement des énergies éoliennes et solaires. Une décision salutaire, mais qui arrive après des dizaines d’années de tergiversations, tout particulièrement sur l’avenir de la filière nucléaire, et après une fragilisation délibérée de son maitre d’œuvre, à savoir EDF.
Des risques de pénurie cet hiver et des tarifs à la hausse
Conséquences de ces choix et de la crise liée au conflit en Ukraine, le gouvernement appelle à la mobilisation et annonce un plan de sobriété visant à réduire de 10% notre consommation énergétique d’ici deux ans. Ce plan demande aux français d’adopter un ensemble de « petits gestes » permettant de réduire leur consommation énergétique. Les collectivités et les entreprises sont invitées également à prendre des mesures d’économie. Pour rassurer nos concitoyens, le gouvernement a décidé de « limiter » à 15% l’augmentation des tarifs réglementés de l’électricité et du gaz et de verser un chèque « énergie » à 12 millions d’usagers. Mais ce « bouclier tarifaire » est loin de compenser les pertes réelles de pouvoir d’achat que vont subir les français.
Quant aux communes qui ne bénéficient pas des tarifs réglementés, elles voient leurs dépenses d’énergie multipliées par 4 ou 5. Le gouvernement a annoncé une aide en leur faveur mais sans rapport avec les besoins. Elles se voient contraintes de fermer certains équipements ou réduire leur ouverture au public.
Face à l’inquiétude devant ce risque de pénurie d’énergie pour cet hiver, il n’est pas inutile de rappeler que le Président Macron et le chancelier Olaf Scholz ont conclu, au début de septembre 2022, un accord bilatéral : la France fournirait du gaz à l’Allemagne en échange de fourniture d’électricité. Mais il s’agirait d’une électricité fortement carbonée. Le chancelier Scholz prévoit en effet la prolongation ou la réouverture de 27 centrales thermiques au charbon ou au lignite pourtant fortes émettrices de gaz à effet de serre.
Vers une remise en cause du marché européen de l’énergie ?
Depuis des années, les communistes dénoncent le mode de calcul du prix de l’électricité utilisé au niveau du marché européen qui est couplé avec celui du gaz. Il a provoqué des hausses de tarifs injustifiables, totalement déconnectés des prix de revient de production de l’électricité, en particulier pour la France qui produit une électricité à un coût très faible. Pendant l’été dernier, l’Espagne et le Portugal ont réussi, après un bras de fer avec Bruxelles, à obtenir une dérogation à cette règle qui leur permet de bénéficier de tarifs plus avantageux.
Début octobre, la Présidente de la commission européenne a annoncé l’étude d’une réforme du marché européen de l’électricité avec l’objectif de découpler les prix du gaz et de l’électricité. Une telle réforme serait la bienvenue, mais il reste à en définir les modalités de mise en œuvre et à obtenir un consensus entre les dirigeants européens dont les intérêts peuvent diverger. Pour aboutir, elle nécessite une forte volonté politique partagée car elle remet en cause les intérêts des grands fournisseurs d’énergie européens.
Urgence d’un plan de renforcement de nos capacités de production d’électricité
Les communistes estiment qu’un tel plan doit prendre en compte l’augmentation inéluctable des besoins en électricité pour 2050, ce qui suppose une actualisation de la loi de Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) adoptée en 2020. Pour répondre aux besoins d’ici 2050, il sera nécessaire de développer tant les énergies renouvelables, en particulier l’éolien offshore, que la production nucléaire avec le lancement de la construction des 6 EPR et la prolongation des centrales actuelles au-delà de 40 ans, si l’Agence de Sureté Nucléaire (ASN) l’autorise. Cette extension des capacités de production électrique pourra être un atout pour développer ensuite une production d’hydrogène décarbonée.
Dès maintenant, les communistes demandent de mettre un terme au racket de l’ARENH (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique) qui oblige EDF à vendre à prix bradés un quart de sa production nucléaire à des opérateurs privés qui ne produisent rien mais ont accumulé des superprofits.
Considérant que l’énergie est un bien public, les communistes se prononcent en faveur de la création d’un pôle public de l’énergie, seul moyen d’assurer une souveraineté énergétique indispensable à notre pays et de garantir des tarifs accessibles à tous.