Article de Politique nationale - Publié le Samedi 6 Février 2021

Le numérique : quelle empreinte carbone ?

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    Personne ne conteste maintenant que le numérique a une empreinte carbone importante. Le développement de la 5G aura un impact significatif, en particulier où il nécessitera le remplacement des centaines de millions de tablettes et de smartphones, consommateurs de minerais et terres rares dont l’extractions est sources d’émissions de GES et de pollutions diverses.

Le développement du numérique et de l’économie « verte » n’est pas neutre en matière d’empreinte carbone. La production d’équipements numériques (smartphones, tablettes, ordinateurs…), d’énergies renouvelables (éoliennes, photovoltaïque) et de véhicules électriques exige le recours à de nombreux métaux et terres rares dont la consommation double tous les 15/20 ans. Ce rythme risque de s’accélérer avec le développement attendu du parc de véhicules électriques, avec l‘extension des énergies renouvelables comme l’éolien et le photovoltaïque, consommatrices également de ces terres rares, ainsi qu’avec l’arrivée prochaine de la 5G.

La production des terres et métaux rares : concentrée dans les pays moins développés

Cette production, s’appuyant sur une industrie extractiviste particulièrement dévastatrice, est concentrée en Chine et plus marginalement dans quelques pays comme l’Inde, l’Australie, la Bolivie, le Chili, le Congo, l’Afrique du Sud… La Chine est le 1er producteur de terres rares, concentrant plus de 70% de la production mondiale. La seule production de terres rares est passée de 85 000 tonnes en 2 000 à 190 000 en 2 020, soit plus d’un doublement en 20 ans… Les pays occidentaux ont fait le choix de laisser les activités d’extraction et de raffinage aux pays contraints à sacrifier leur environnement pour assurer leur développement. Une façon pour les pays occidentaux de délocaliser la pollution, au prix d’une perte totale de souveraineté.

Extraction et raffinage : source de pollutions massives

L’extraction et le raffinage de ces minerais nécessitent des procédés très polluants. Par exemple, il faut purifier 8,5 tonnes de roches pour produire un kilo de vanadium, cinquante tonnes pour le poids équivalent en gallium et 1 200 tonnes pour seulement un kilo de lutécium.

Ces mines ravagent des surfaces de plusieurs centaines de milliers d’hectares.  Le raffinage, fort consommateur d’eau et d’électricité (le plus souvent d’origine fossile), implique le recours à des produits chimiques dangereux dont les rejets, marginalement traités, polluent l’air, les terres, les cours d’eau et les nappes phréatiques. On assiste dans ces zones à une multiplication d’affections graves, comme le cancer.

Le recyclage des métaux rares

Il est très faible, car coûteux à mettre en œuvre. Ces métaux ne sont généralement pas utilisés à l’état pur, mais sous forme d’alliage avec d’autres métaux pour créer des matériaux composites. Il existe des procédés pour « désallier » les métaux rares, mais ils sont très coûteux. Si bien que le recyclage est peu pratiqué et les industriels préfèrent s’approvisionner en nouveaux minerais et terres rares à un moindre coût. 

La multiplication attendue des voitures électriques

Actuellement, on assiste surtout au développement des véhicules hybrides. Ils présentent l’inconvénient d’être dotés d’une double motorisation. Cela les rend plus lourds et améliore peu leur bilan carbone.

Désormais, tous les grands constructeurs parient sur un développement exponentiel des véhicules électriques, dits propres. Pourtant, sur l’ensemble de son cycle de vie (de sa production avec une utilisation importante de terres rares jusqu’à son recyclage), le bilan carbone d'une voiture électrique ne devient inférieur à celui d'une voiture à moteur thermique qu'au bout de 100 000 km, voire 150 000 à 200 000 km si sa batterie est rechargée avec une électricité d’origine fossile. A l’heure actuelle de nos connaissances techniques, la voiture électrique n’aura qu’un impact limité sur notre empreinte carbone. L’aboutissement des recherches en matière de stockage de l’énergie (batteries en particulier) permettrait d’améliorer ce bilan, mais cela demandera des années.

Le développement de la 5G

Cette nouvelle technologie suscite un vif débat. C’est un outil qui peut permettre de nouveaux usages, mais il faut veiller à ce qu’il soit bien utilisé pour répondre à nos besoins humains et à ce qu’il ne serve pas à contrôler toute notre activité et nos données personnelles. Sa mise en œuvre aura aussi un impact lourd sur notre empreinte carbone. Elle nécessitera elle aussi une utilisation exponentielle de métaux et de terres rares pour renouveler, par exemple, les centaines de millions de smartphones en circulation (on en produit actuellement près de 4 millions par jour dans le monde). Dans un récent rapport, le Haut Conseil pour le climat estime que l’empreinte carbone du numérique sera majorée, avec l’arrivée de la 5G, de 20 à 45% en France en 10 ans.

Le développement de la 5G nécessitera par ailleurs de multiplier les « data centers » qui centralisent et traitent des masses de données, mais qui sont de gros consommateurs de terres rares et d’énergie. Actuellement leur empreinte carbone représente près de 3% des émissions GES dans le monde, soit autant que les transports en avion, mais il est prévu qu’elle atteigne près de 7 % en 2040.

Une augmentation prévisible des besoins en électricité

S’il est vraisemblable que le développement de ces nouvelles technologies puisse se traduire par une diminution de la consommation des énergies fossiles, il est certain qu’elles généreront des besoins supplémentaires en électricité. Deux impératifs s’imposent alors quant à la nature de cette électricité :

-elle doit être décarbonée au maximum, c’est à dire non produite à base de charbon ou de pétrole, avec un recours au gaz le plus réduit possible ;

-elle doit être en partie pilotable, c’est-à-dire en mesure de répondre à des pics de consommation, dans des délais courts et à n’importe quel moment, afin de réduire le risque de black-out (coupure généralisée d’électricité).

Si les énergies renouvelables (éolien et photovoltaïque) répondent bien au 1er impératif, leur caractère intermittent lié aux conditions atmosphériques rend leur production non pilotable, tant que celle-ci n’est pas stockable.

L’énergie hydroélectrique permet de satisfaire en partie ces 2 impératifs de production non carbonée et d’énergie pilotable. Dans le contexte actuel et malgré les inconvénients qu’elle peut représenter, l’énergie nucléaire répond totalement à ces 2 critères. Il reste la question des déchets nucléaires qui n’a pas à ce jour encore trouvé de solutions satisfaisantes mais pour laquelle les efforts de la recherche en cours peuvent être décisifs.

Des enjeux vitaux qui méritent un débat national

Il est clair que le développement du numérique doit nous interroger sur la façon de conduire la transition énergétique et sur le contenu du mix énergétique que nous souhaitons pour répondre au mieux à nos besoins à venir. Le projet de démanteler l’entreprise EDF, voulue par la Commission européenne et soutenue par notre gouvernement, n’est pas la meilleure façon d’aborder de tels enjeux. C’est pourquoi les communistes demandent un grand débat national sur ces questions d’énergie et d’empreinte carbone des nouvelles technologies.

A ce sujet, le PCF organise le 13 février 2021 les Etats généraux de l’énergie de 10h à 17h. Pour s’inscrire : États généraux de l'énergie - Site Internet du P.C.F.