Article de Politique nationale - Publié le Mardi 29 Décembre 2020

Le projet Hercule ou le démantèlement d’EDF

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    Le projet Hercule constitue une nouvelle étape vers le démantèlement d’EDF en ouvrant progressivement au privé la partie rentable de son activité, à savoir la distribution de l’électricité. Un manque à gagner considérable pour EDF qui conserve la charge d’entretenir et développer son outil de production d’électricité, une mission qui nécessite des investissements lourds. Mise en place d’un scénario bien connu : nationalisation des pertes, privatisation des profits.

     

     

     

Depuis 2 ans, le gouvernement travaille discrètement sur ce projet qui vise à démanteler EDF au profit du privé. Courant décembre 2020, il a encore refusé de répondre aux interpellations des parlementaires, dont celle du député communiste, Sébastien Jumel, qui qualifie le projet d’opération de dépeçage de l’opérateur historique EDF, mettant en cause notre souveraineté énergétique.

En effet le projet Hercule est l’ultime étape d’un processus de libéralisation et de mise en concurrence de tous les services publics qui, depuis plus de 20 ans, a fait l’objet de plusieurs directives approuvées par les dirigeants européens. Or notre gouvernement avance discrètement, en raison de la montée de l’opposition à ce projet. En effet, de plus en plus de voix considèrent que le projet serait un cadeau au privé encore plus scandaleux que celui de la privatisation des autoroutes. Une interfédérale syndicale regroupant tous les syndicats de l’énergie vient de se constituer pour s’opposer au projet et mener des actions de sensibilisation tous azimuts.

Hercule : éclatement d’EDF en 3 entités

Le projet Hercule prévoit de créer 3 entités autonomes : la 1ère, dénommée « EDF Bleu » qui, financée par les contribuables, resterait publique et aurait la charge de la production de l’électricité nucléaire et thermique (centrales au gaz, au charbon…).

La 2ème entité appelée « EDF Azur » resterait publique et gérerait la production d’électricité hydraulique.

La 3ème dénommée « EDF Vert » gérerait la distribution de l’électricité et les énergies renouvelables dont on sait qu’elles bénéficient d’un financement public. Cette entité serait ouverte au privé, à hauteur de 35% dans un premier temps.

Autrement dit, l’Etat, au sein des 2 premières entités, prendrait à sa charge la majorité des coûts de production d’électricité qui impliquent des investissements lourds. Au privé, serait offerte la partie juteuse, à savoir la maitrise progressive de la vente de l’électricité à des tarifs qui bientôt ne seront plus réglementés.

Le scénario est bien connu : on nationalise les pertes et on privatise les profits. Cela entrainera l’effondrement progressif des moyens financiers nécessaires à l’entretien et au développement de notre outil de production d’électricité, car c’est uniquement la vente de l’électricité qui est en mesure de générer des profits.     

Ce scénario de démantèlement d’EDF risque de se décider au début de 2021 et beaucoup craignent une mise en place par ordonnance, une pratique privilégiée par le gouvernement qui permet d’éviter les débats.

Cette décision constituerait l’étape finale d’un processus de déréglementation du service public d’électricité exigée par la Commission européenne, au nom de la libre concurrence, et validée par nos dirigeants d’hier et d’aujourd’hui. C’est la suite logique de la décision d’ouverture du capital d’EDF-GDF prise en 2004 sous Sarkozy. Ensuite pour favoriser l’émergence d’opérateurs privés, un ensemble de mesures ont été prises en leur faveur, au détriment de l’opérateur historique. C’est le cas de l’obligation de vente d’une partie de sa production à ses concurrents.

EDF contraint de vendre une partie de sa production au profit de ses concurrents

Cette étape de la volonté de casser l’entreprise publique EDF remonte à plus de 10 ans. L’ouverture du marché de l’électricité a eu du mal à se mettre en place en France, en raison des tarifs peu élevés pratiqués par EDF (parmi les plus bas en Europe), impossibles à concurrencer. C’est pourquoi, sous la pression de la Commission européenne, il a été décidé de créer une concurrence artificielle en France en créant un dispositif qui obligeait EDF à subventionner ses concurrents privés.

A ces derniers, non producteurs d’électricité ou marginalement, était offerte la possibilité d’avoir accès à une partie de la production nucléaire d’EDF à un tarif d’achat extrêmement bas, fixé à 42 € le MWh, tarif inchangé depuis 2012.

Ce dispositif a permis un développement important des concurrents d’EDF. Présenté initialement comme transitoire, ce dispositif est toujours en vigueur et les opérateurs privés se battent actuellement pour obtenir une part plus importante, voire la totalité, de la production nucléaire d’EDF afin d’augmenter leurs ventes d’électricité.

EDF obligé de racheter la production des énergies renouvelables (EnR)

Cet autre dispositif mis en place en 2003 vise à faciliter le développement des énergies renouvelables. Personne ne conteste la nécessité d’un renforcement de leur place dans notre mox-énergétique. Mais le dispositif retenu oblige EDF à intégrer dans son réseau de distribution les KWh d’EnR produits, en les rachetant à des tarifs très élevés, faramineux même pour le photovoltaïque. Pour absorber cette charge, le gouvernement a créé une taxe nouvelle, la CSPE (contribution au service public de l’électricité), qui figure sur la facture des clients d’EDF. La Cour des comptes, dans un rapport publié en 2018, chiffre à 121 Mds € le montant qui sera versé aux opérateurs EnR, majoritairement privés, qui ont signé un contrat avant 2017. A cette somme, il convient d’ajouter tous les contrats signés depuis et ceux à venir. Une charge considérable pour les usagers, mais aussi pour EDF.

Quid de la promesse de la baisse de l’électricité ?

Alors que nos dirigeants n’ont cessé pendant des années de nous répéter que la concurrence permettrait une baisse du coût de l’électricité, les tarifs ont augmenté de 36% en France entre 2007 et 2017. Quant à ceux du gaz, ils ont été majorés de 70% sur la même période. On compte maintenant en France plus de 7 millions de personnes en précarité énergétique.

La mise en place du projet Hercule se traduirait immanquablement par une explosion des tarifs : en effet, il est prévu de supprimer les tarifs réglementés dont la mise en place avait pour but d’assurer à tous les usagers le même tarif, qu’ils vivent dans des zones denses ou dans des territoires isolés.

 L’année 2021 sera une année déterminante en matière d’énergie. Les communistes appellent à prendre part à toutes les mobilisations syndicales et politiques qui seront organisées pour mettre en échec ce projet. C’est l’intérêt des usagers eux-mêmes afin qu’ils puissent disposer d’un vrai service public à un prix accessible à tous.  C’est aussi une nécessité de préserver un outil de production solide, assurant un maillage de tous les territoires, capable de répondre aux besoins des entreprises et d’assurer notre souveraineté énergétique.