Article de Vie locale - Publié le Jeudi 1 Juillet 2021

Inauguration d’une plaque en mémoire de Manuel Bergès i Arderiu

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    Intervention d’Elie Joussellin, adjoint PCF à la Maire du 10ème en charge de la Mémoire, à l’occasion de l’inauguration d’une plaque en hommage à Manuel Bergès i Arderiu, un républicain espagnol réfugié en France après la victoire du fascisme. Engagé dans la Résistance, il est arrêté en 1942 à l’âge de 31 ans par la police française et assassiné par celle-ci.

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    Lors de cette inauguration, Laurence Patrice, adjointe PCF à la Maire de Paris était également présente. Elle a rappelé le rôle important qu’ont joué de nombreux républicains espagnols de la 9ème compagnie rattachée à la 2ème division blindée du général Leclerc lors de  la libération de Paris en août 1944. Ils ont été les 1ers à rentrer dans Paris le 24 août permettant la libération de la capitale.

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    La plaque commémorative a été placée le 25 juin dernier au 23 rue Vicq d’Azir à l’emplacement où Manuel Bergès i Arderiu a été arrêté par la police française qui l’a assassiné le même jour. Il était poursuivi pour « ses activités communistes ».

     

Le 25 juin, Laurence Patrice, adjointe à la Maire de Paris en charge de la Mémoire et du monde combattant, et Elie Joussellin, adjoint à la Maire du 10ème en charge de la Mémoire et du monde combattant, ont inauguré une plaque au 23 rue Vicq d’Azir pour rappeler la mémoire de Manuel Bergès i Arderiu.

Manuel Bergès i Arderiu, instituteur, était un républicain espagnol. Expatrié en France après la victoire du franquisme, il s’engagea dans la Résistance et lutta pour permettre à la France et à l’Europe de se délivrer du fascisme et du nazisme. En 1942, alors âgé de 31 ans, il fut arrêté par la police de Vichy et tué par celle-ci. Sa mémoire fut même effacée et il fallut attendre 2016 et le travail de l’amicale des guérilléros espagnols pour qu’il soit reconnu « mort pour la France ». Avec cette plaque, dans le 10ème arrondissement, sur l’immeuble où il vécut et où il fut arrêté, Paris lui redonne une place dans sa mémoire.

Voici le discours prononcé par Elie Joussellin lors de cette inauguration, en présence du représentant de l’ambassade d’Espagne en France et d’Henri Farreny, Président de l’Amicale des Anciens Guérilleros Espagnols en France.

Discours d’Elie Joussellin, adjoint à la Maire du 10ème en charge de la Mémoire

Nous avons, dans les rues de Paris, eu plusieurs fois l’occasion au cours des dernières années, de rendre l’hommage qui leur est dû aux combattants, aux maquisards espagnols qui, aux côtés de leurs camarades français, refusèrent et luttèrent contre le fascisme et le nazisme.

Devant la prison de la Santé, on trouve, depuis 2014, une plaque en mémoire de Conrad Miret i Musté, premier chef des groupes armés de la Main d’œuvre immigrée, mort en février 1942.

Depuis 2017, c’est le souvenir de José Baron Carreño, chef de la Agrupaccion de Guerrilleros Españoles de la zone occupée, mort en août 1944, qui est entretenu le long du boulevard Saint-Germain.

Dans le 19e arrondissement, près des Buttes-Chaumont, c’est des combats de Domingo Tejero Pérez, chef du 2e détachement espagnol des FTP-MOI, abattu en octobre 1942, que les passants peuvent se rappeler depuis 2019.

Sans oublier bien sûr le jardin des Combattants de la « Nueve », inauguré au pied de l’Hôtel de Ville en 2018 par Anne Hidalgo, en présence du président du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez.

À ces hommes, à ces soldats, à ces militants, à ces résistants, je suis heureux, je suis fier, de voir aujourd’hui s’ajouter, dans le 10e, le nom de Manuel Berges i Arderiu. Car à lui comme à ses camarades, nous nous devons d’exprimer notre reconnaissance. Celle de la France. Celle de l’Europe libre et démocratique.

À travers cet archipel de mémoire, dans les rues et sous les arbres de Paris, c’est une épopée que nous faisons revivre.

Celle de ces Espagnols qui virent disparaître les leurs « dans la brume crevée d’obus et roussie de flammes », dira Malraux. Celle de ces républicains qui, après la victoire de Franco, connurent l’exode, connurent l’exil, connurent l’incarcération en France. Celle de ces militants communistes et anarchistes qui luttèrent sans relâche contre le fascisme, contre le nazisme, contre l’oppression et pour la Libération.

Ces hommes ne se battaient pas pour défendre leur patrie, leur pays, leur clocher, leur maison, leur famille. Ces hommes se battaient pour leurs idées, pour un idéal commun et universel : la liberté.

La tragédie qu’ils ont vécue, au cours des années sanglantes de la guerre d’Espagne, n’était hélas que le prélude de la déflagration mondiale qui allait briser l’Europe et l’humanité toute entière.

Les 600 000 morts de cette guerre civile, ne furent que les premiers d’une hécatombe qui compta 40 millions de victimes, et la chute de Madrid en mars 1939, n’a fait que précéder celles de Varsovie, d’Amsterdam, de Paris, d’Athènes ou de Rome.

Lorsque la France est tombée sous les coups de ses ennemis, la fraternité d’armes qui s’était créée entre les volontaires français des Brigades internationales et les guérilleros espagnols dans les rues de Guadalajara, de Teruel ou de Barcelone, se renouvela par la mobilisation des combattants espagnols aux côtés des résistants français, dans les maquis, le long des voies ferrées, au sein des Forces françaises libres, et jusqu’à la délivrance finale.

Ce compagnonnage forgé dans le sang, cette amitié nouvelle, durable, cimentée dans la tourmente et sans cesse renouvelée depuis entre nos deux pays, nous ne devons pas l’oublier.

Non, nous ne devons pas oublier tous ceux qui donnèrent leur force, leur courage, leur sang et leur vie pour libérer notre pays et l’Europe du fascisme.

Manuel Berges i Arderiu, instituteur, engagé aux Juventudes Socialistas Unificadas de Catalunya, militant du Partit Socialista Unificat de Catalunya, combattant républicain face aux forces nationalistes, réfugié en France et entré dans la Résistance, était de ceux-là.

Oui, il était de ceux qui refusaient d’abandonner leurs idées et qui se battaient pour les voir triompher. Il était de ceux qui agissaient, qui écrivaient, qui imprimaient, qui persuadaient. Il était de ceux que la police de Vichy suspectait, pourchassait, arrêtait, et préférait voir disparaître.

Il était de ceux qui ne parlaient pas. Il était enfin de ceux que l’histoire a oubliés, jusqu’à ce que l’Amicale des Anciens Guérilleros Espagnols de France, cher Henri Farreny, en 2016, lui fasse attribuer la mention « Mort pour la France ».

Mesdames et Messieurs, Manuel Berges i Arderiu, mort dans des circonstances sombres et troubles alors qu’il était durement interrogé par la police de Vichy, enterré sous une fausse identité par la police de Vichy, gommé des archives de l’administration française par la police de Vichy, retrouve désormais sa place dans nos mémoires.

Et je suis aujourd’hui très honoré de dévoiler, au nom d’Alexandra Cordebard qui n’a pu être des nôtres ce matin, et aux côtés de toutes celles et tous ceux qui ont œuvré à voir renaître son histoire, la plaque qui rappelle sa vie, qui rappelle son passage, qui rappelle son héroïsme.

 

Adjoint à la Mairie du 10ème, en charge du logement et de la mémoire.