Article de Vie locale - Publié le Mercredi 17 Juin 2015

Situation des exilés : vifs débats lors du Conseil d’arrondissement du 15 juin 2015

  • Lors du Conseil d’arrondissement du 15 juin, Dante Bassino, adjoint communiste au maire du 10ème, est de nouveau intervenu pour dénoncer la décision de l’évacuation des exilés, prise sans que soient  recherchées au préalable toutes les mesures d’hébergement et de suivi en faveur de tous les exilés. Présent quotidiennement sur le terrain, il a vigoureusement dénoncé les violences policières contre les exilés et demandé la libération immédiate des exilés en rétention.

  • Le jeudi 11 juin, les exilés contraints de quitter le campement du Bois Dormoy ont occupé l’ex caserne Château Landon, accompagnés de soutiens d’associatifs et d’élus, dont 4 élus communistes. Après de longues négociations avec  des représentants de la ville et de l’Etat, 110 hébergements ont été proposés et l’occupation a pris fin. Cependant, aujourd’hui il reste encore des exilés à la rue qui se sont regroupés dans le jardin EOLE.

Les jours qui ont suivi l’évacuation du campement sous le métro aérien ont montré que de nombreux migrants n’avaient bénéficié d’aucun hébergement. C’est pour cette raison que les élus communistes  du 10ème s’étaient opposés à l’évacuation qui ne visait qu’à déplacer le problème en dispersant les exilés. Effectivement, dès le premier soir,  plusieurs dizaines d’exilés se sont regroupés à proximité de  l’église st Bernard, rejoints les jours suivants par beaucoup d’autres (environ 200) dont l’hébergement était arrivé à terme. Expulsés par la police du parvis de l’église St Bernard, puis une seconde fois de la halle Pajol où ils s’étaient regroupés, ils ont trouvé un refuge provisoire dans le Bois Dormoy. Jeudi 18 juin, après une occupation éphémère de l’ex-caserne Château Landon, environ 110 hébergements ont été attribués par les services de la ville et de l’Etat. Mais il reste encore des exilés à la rue. Ils se sont regroupés près des Jardins EOLE, devant le Grand Parquet. Lors du Conseil d’arrondissement du 15 juin, des questions ont été posées au maire, en particulier par des associations,  sur les conditions de l’évacuation des exilés, les violences policières et  la nécessité d’apporter des solutions d’hébergement dignes et pérennes. Au nom des élus communistes du 10ème, Dante Bassino a interpellé vigoureusement le maire et demandé, avec les élus écologistes, un ensemble de mesures à prendre d’urgence par la ville et par l’Etat en matière de d’accueil et de protection des exilés.

Intervention de Dante Bassino lors du Conseil d’arrondissement du 15 juin 2015

Au nom des élus du groupe communiste, je tiens tout d’abord à remercier les associations de leur intervention et de leur présence. Lors du conseil d’arrondissement du 18 mai, par ma voix, les élus communistes vous avaient annoncé, monsieur le Maire, ce qui allait se passer si l’évacuation que vous appeliez de vos vœux se déroulait.

Nous avions dénoncé une non-solution qui aboutirait à de nouveaux campements plus petits et des situations plus précaires pour les exilés. C’est exactement ce qui s’est passé. Nous étions d’ailleurs en deçà de la réalité, car la Préfecture a poussé le vice jusqu’à arrêter une cinquantaine de réfugiés pour les placer en rétention et a multiplié les évacuations et les violences physiques ou psychiques à l’égard des réfugiés.

Pour prévoir ce qui allait arriver, pas besoin de lire dans le marc de café ou dans une boule de cristal : il suffisait de regarder ce qui s’est passé récemment à Calais, mais aussi de comprendre que la volonté principale, tant de la Préfecture que de la Mairie (certes avec des motivations et des buts divers), n’était pas d’apporter une solution à la situation vécue par les exilés, mais de la faire disparaitre de l’espace public.

Selon vos tweets du 2 juin, monsieur le Maire, cette évacuation s’est déroulée pour le mieux. Il y aurait même eu plus de propositions d’hébergement que de personnes. Magnifique serait-on tenté de dire !

Moi,  j’étais sur place le mardi 2 juin et j’ai constaté qu’une petite centaine d’exilés, non présents sur le campement au moment de l’arrivée de la police, ont été exclus de tout dispositif, quand bien même ils avaient été recensés par les associations les jours précédents. Je n’ai pas été le seul à le constater, d’autres élus ou l’association Action Barbès, par exemple, qui rapporte ces mêmes faits sur son blog en se posant la question à propos de l’évacuation : hébergement ou dispersion ? « Trop tard » ou quelquefois « too late », prononcé avec un accent laissant les exilés assez sceptiques, répondaient invariablement les policiers aux exilés  absents de leur tente au mauvais moment. Ces personnes se sont alors retrouvées dans une situation pire que celle dont on prétendait les tirer,  puisque leurs tentes, leurs duvets et leurs affaires ont été immédiatement détruites.

La justification de l’évacuation, je l’ai entendue des dizaines de fois depuis deux semaines. Il y avait une urgence sanitaire, il fallait agir ! La gale ! Le typhus ! La tuberculose ! Alors il faut bien que je le confesse, quelque chose m’avait échappé. Visiblement ces maladies se soigneraient mieux à même le trottoir ! …Non, en réalité, vous avez bien compris cette situation sanitaire, si elle avait été prise au niveau nécessaire, aurait dû conduire les autorités à proposer à tous ceux qui le nécessitaient l’hospitalisation plutôt que le trottoir. Ce seront des habitants, des militants ou des élus qui conduiront les malades à l’hôpital au fur et à mesure dans les jours qui suivront.

Nous pouvons aussi examiner les hébergements proposés aux exilés qui étaient présents là où il fallait à l’heure qu’il fallait. Si certains ont effectivement pu bénéficier des hébergements que leur accorde la loi lorsque l’on est demandeur d’asile, nombre d’entre eux ne sont vus proposer que quelques nuits (parfois une seule) dans des lieux parfois éloignés, parfois isolés, quelques fois sans repas, ni accès à une distribution alimentaire. Des hébergements dont il était évident qu’ils ne pouvaient en aucune manière répondre aux besoins. Des hébergements prétextes, utiles surtout pour l’affichage médiatique de celles et ceux qui avaient souhaité et conçu cette évacuation.

Fort logiquement, ces personnes se sont progressivement retrouvées les jours suivants dans de  nouveaux campements plus ou moins importants, d’abord dans le square  face à l’église St Bernard. Le peu de confort, si on peut appeler cela ainsi (dormir sur l’herbe plutôt que sur le trottoir), devait encore être de trop pour le Préfet qui les a chassés du square pour les forcer à monter dans le métro, espérant sans doute que les exilés rentreraient ainsi chez eux. Si la scène n’avait pas concerné une situation dramatique, elle aurait été cocasse.

Les exilés ont fini en désespoir de cause par former un « campement » sans tente rue Pajol d’où ils ont été délogés avec brutalité par les forces de l’ordre qui n’ont pas non plus épargné militants, habitants et élus présents sur place.

Une autre fable  concerne la prise en charge des mineurs. Je peux vous décrire la réalité. D’abord sur le campement sous le métro, les associations ont « découvert » la présence de mineurs et même de bébés ou de femmes enceintes courant mai. Mais il faudra attendre le 2 juin et l’évacuation pour que les familles et certains mineurs soient mis à l’abri. Quelques jours après,  quelques mineurs ont été reçus à la PAOMIE suite à mon intervention auprès du cabinet de Dominique Versini. Mais ceux-ci n’ont pas été pris en charge. Par la suite d’autres élus communistes d’arrondissements voisins (11ème et 19ème) ont accompagné des mineurs à la PAOMIE : « Trop jeunes », les dispositifs ne sont pas adaptés ; « malades » nous ne savons pas faire. Telles ont été les réponses entendues. Il faudra littéralement harceler le cabinet Versini pendant plusieurs jours pour que ces jeunes soient pris en charge.

Pour compléter le tableau, vous demandez  en conclusion de votre auto-satisfecit déplacé, de préparer au mieux les prochaines opérations. Les seules leçons que vous en tirez semblent se traduire par la disparition du terme « évacuation ». Vous renvoyez également les exilés aux « engagements internationaux », donc au règlement qui veut que les réfugiés déposent leur demande d’asile dans le pays par lequel ils sont entrés dans l’Union Européenne. Les élus communistes ne pourront que voter contre le vœu que vous proposez aujourd’hui.

J’en viens aux solutions que nous avions déjà largement esquissées lors du précédent Conseil d’arrondissement et par le passé, et que nous rappelons aujourd’hui dans notre vœu commun avec le groupe  écologiste. Dans l’urgence, dès ce soir, il faut que la Ville ouvre un lieu d’hébergement et pérennise les hébergements mis en place. Il faut ensuite, très rapidement mettre en place une structure adaptée. Il faut surtout que la Ville s’adresse à l’Etat pour que celui-ci assume ses responsabilités. Les exilés qui arrivent depuis début 2015 ne représentent que 0,007% de la population européenne (0,02% si on prend en compte les arrivées depuis début 2014). Nous sommes loin des centaines de milliers de réfugiés qui s’entassent dans des camps au Liban ou en Tunisie. Il n’y a donc aucun problème de nombre de réfugiés à accueillir. Et d’ailleurs, je citerais, une fois n’est pas coutume Claude Bartolone, que personne ici ne soupçonnera d’être un extrémiste de gauche, lorsqu’il a dit cette semaine que ce n’est pas parce que nous accueillerons dignement des Erythréens ou des Soudanais à Paris ou ailleurs en France que nous provoquerons un « appel d’air » que nous provoquerons des départs massifs de ces pays en vue de bénéficier d’une douche ici.

L’Etat doit, sur le territoire national, ouvrir et prendre en charge des structures d’accueil, proposant des hébergements adaptés aux demandeurs d’asile. Tous ceux qui le souhaitent, c’est-à-dire la majorité contrairement à ce qui se dit trop facilement, doivent pouvoir déposer une demande d’asile, même s’ils y ont été contraints ailleurs à la suite d’un contrôle policier dans un autre pays de l’Union européenne. C’est enfin toute la politique migratoire française et européenne mise en place depuis des années qui doit être remise en cause. Celles-ci sont responsables des camps informels de Paris, Calais, mais aussi Vintimille/Menton et d’ailleurs. Mettons en place la liberté de circulation et la liberté d’installation et ces camps disparaîtront ; cette immigration deviendra invisible et on se rendra compte qu’il n’existe de problèmes que ceux que nous créons.

Pour finir, je souhaite particulièrement insister sur la cinquantaine de personnes placées en rétention. Uniquement des érythréens et des soudanais. Lorsque l’on connait les conditions de vie de ces personnes et surtout ce qu’elles risquent si elles sont expulsées : au mieux l’enrôlement de force dans l’armée pour mener des opérations de guerre, mais plus probablement des tortures, une détention longue et difficile sans jugement, voire une exécution sommaire. On a de la peine à comprendre le geste du Préfet. Le projet est-il d’en renvoyer certains en Italie au nom du fameux règlement « Dublin » ? Dans quel but ? Tout le monde sait bien que ces personnes ne pourront pas rester en Italie où leurs chances d’obtenir l’asile et de s’installer sont minimes.

Pour faire des exemples en gardant arbitrairement ces personnes détenues pendant 45 jours ? L’idée est-elle de faire passer l’envie à ces personnes de rester en France ou peut-être plus sûrement de se montrer ferme pour faire plaisir à « l’opinion publique » ? Quelle erreur encore ! Car loin d’endiguer la montée d’idées nauséabondes, c’est justement la mise en œuvre de cette politique et les propos ministériels qui l’accompagnent qui font monter la xénophobie et le racisme. C’est la raison pour laquelle notre vœu demande la libération immédiate de ces personnes.

Dante Bassino

Le 15 juin 2015