Article de Vie locale - Publié le Samedi 19 Novembre 2016

Travail dominical : changement de cap de la Maire de Paris

  • Nicolas Bonnet, Président du groupe PCF au Conseil de Paris, et Didier Le Reste, Conseiller de Paris, lors d’une des nombreuses manifestations organisées par l’intersyndicale du commerce contre l’extension du travail dominical.

Lors du Conseil de Paris des 14 et 15 novembre, Didier Le Reste, conseiller communiste de Paris, a vivement réagi contre la délibération proposée par Anne Hidalgo  d’étendre  l’ouverture des  dimanches à 12 par an. Une décision est en totale contradiction avec les conclusions du rapport de la Mission d’Information et d’Evaluation (MIE) du Conseil de Paris. Ce rapport,  publié en décembre 2014, avait pourtant démontré que l’extension du travail dominical n’entrainerait pas les créations d’emplois annoncées par la droite et le MEDEF et que, faute d’augmentation du pouvoir d’achat, elle ne se traduirait par aucun développement du chiffre d’affaires des magasins.  Par contre, elle aurait pour conséquence de fragiliser les petits commerces indépendants  au profit des grandes enseignes et d'accroitre la précarité pour les salariés.

Lors de la publication, à la mi-août 2015, des projets de décrets créant de nouvelles  « zones touristiques internationales » (ZTI), les élus communistes  avaient approuvé l’opposition de la Maire de Paris aux propositions d’Emmanuel Macron imposées sans concertation, refusant de faire de la capitale une « ville entièrement consacrée au consumérisme » et de contribuer ainsi à banaliser le travail dominical.

Didier Le Reste a rappelé que le travail dominical concerne principalement les femmes et que 50% d’entre elles sont des cheffes de famille monoparentale, ce qui leur impose de trouver des solutions de garde des enfants qui grèvent leur budget.  Il souligne que l’extension à 12 dimanches ouvrés va encore renforcer la précarité pour les salariés.

 

Intervention de Didier Le Reste au Conseil de Paris des 14 et 15 novembre 2016

Madame la Maire,

Vous avez vous-même déclaré, à plusieurs reprises, qu’il ne fallait pas affaiblir la protection des salariés, surtout dans un moment de crise comme celui que nous traversons. Vous avez également affirmé en septembre 2015 sur France 2 : "il faut un corpus de règles qui protège l’ensemble des salariés". Ce corpus de règles, vous le savez très bien, c’est le Code du Travail qui comme le précise l’article L. 3132-3 : « Dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche. » 
Bien sûr, il existe des dérogations et vous avez vous-même rappelé qu’elles étaient suffisamment nombreuses, je vous cite, « la réalité des dimanches à Paris, c’est 15 000 commerces déjà ouverts le dimanche : commerces de bouche, artisans créateurs, entreprises familiales ou encore restaurants et entreprises culturelles ».

L’Union départementale des associations familiales a précisé, comme nous l’avons fait également, qu’elle pouvait accepter le principe de l’augmentation du nombre de dimanches travaillés,  mais elle estime qu’il ne faut pas aller jusqu’à 12 dimanches. Elle craint une banalisation de l’ouverture dominicale.

Votre changement de cap avec cette ouverture de 12 dimanches est difficilement compréhensible si l’on suit vos multiples déclarations en faveur de la protection des salariés et la garantie de conditions de travail décentes.

Généraliser à ce point le travail du dimanche, par un dimanche travaillé par mois en plus de toutes les dérogations habituelles et des ouvertures illégales que nous pouvons sanctionner mais pas empêcher pour le moment est une atteinte à un élément clé de la cohésion de la société française : celui du temps libre commun à la grande majorité de la population. Un outil fondamental pour le vivre ensemble, pour la vie associative, culturelle et familiale. Nous le réaffirmons, le repos dominical a été, et reste, une conquête sociale majeure. Ce temps commun est pour Paris une nécessité.

Le travail du dimanche ne se pense pas qu’en termes économiques, c’est un enjeu de société. Les préconisations formulées par la majorité municipale que l’on retrouve dans le rapport de la MIE vont à l’ encontre de ce pas de côté de votre part Madame la Maire. Je cite : « Le repos dominical est un principe essentiel de la société française, fondamental aussi bien pour la protection des salariés que pour la cohésion sociale. C’est le seul moment de « respiration » de la ville, la seule rupture d’un rythme très stressant. Il est indispensable à la vie personnelle, familiale, amicale, sportive et culturelle. »

Forcer la consommation et augmenter la précarité salariale n’est donc pas la priorité pour Paris. Je suis d’accord avec vous, Madame la Maire, ou plutôt j’étais d’accord avec vous quand vous réaffirmiez auprès d’Emmanuel Macron que Paris ne serait pas une « ville entièrement dédiée au consumérisme ». Mais vous créez les conditions pour que cela soit le cas et c’est un changement de politique auquel les salariés et les syndicats n’adhèrent pas, d’ailleurs ceux-ci se sentent floués.

Dans les Échos du 6 septembre 2015, vous avez insisté sur les conséquences sociales d’une généralisation du travail du dimanche et  vous disiez en substance : « les salariés concernés sont en grande majorité des femmes avec des enfants dont la « liberté » de choix de travailler le dimanche est « plus que contrainte. Les implications sociales et familiales seront donc majeures pour les Parisiennes et les Parisiens ».

En effet, le Haut Conseil à l’Égalité ainsi que le rapport de la MIE et les syndicats s’inquiètent des conséquences pour les femmes. Elles seront une fois de plus les premières touchées. Les femmes représentent 56% des salariés qui travaillent le dimanche et elles sont principalement jeunes et résidant dans les zones urbaines sensibles. Pour les 50% d’entre elles qui sont cheffes de famille monoparentale, la garde des enfants le dimanche grève lourdement leur budget. Moins de temps de famille, des temps de trajet plus longs, moins de temps de repos, un budget garde alourdi, elles ne pourront pourtant pas refuser de travailler le dimanche en raison de la précarité de leur contrat ! Généraliser le travail du dimanche causera donc une augmentation massive de la précarité pour toutes ces femmes attaquées en permanence par les logiques capitalistes et patriarcales.

Où est le libre-choix lorsque l’on travaille par nécessité de survie ? Alors que les salaires sont notoirement insuffisants, certains salariés sont contraints de travailler le dimanche pour gagner quelques euros de plus, quitte à sacrifier leur vie de famille, leur repos et santé et leurs loisirs. Ce sont pour ces raisons que les salariés du commerce sont contre l’extension du travail du dimanche. Voir le récent échec des négociations au Printemps Haussmann.

En effet, le profit à tirer pour les salariés est quasi inexistant et les difficultés pour les petits commerces indépendants de proximité seront majeures. Majoritairement, les salaires des ZTI sont majorés à 30% tandis que les petits commerçants devront majorer à 100% ou tout du moins à beaucoup plus de 30%. De plus, les contrats de fin de semaine (VSD) des centres commerciaux conduisent à des situations précaires et à la destruction de l’emploi pérenne.

Plus de précarité pour les salariés et plus de difficultés pour le petit commerce indépendant de proximité, c’est tout ce que va apporter l’extension à 12 dimanches ouvrés.

Didier Le Reste, conseiller communiste de Paris

Le 15 novembre 2016