Article de Vie locale - Publié le Mardi 8 Mars 2016

Un collectif dans le 10ème pour la préservation des libertés publiques

  • Le 16 février dernier au Point Ephémère, a été organisé, à l’initiative du collectif Solidarité et Libertés 10ème, un débat sur les dangers de la réforme constitutionnelle portée par le gouvernement.

Le 13 novembre dernier, l'horreur s'invitait à Paris et Saint-Denis. 130 personnes étaient tuées. Les terroristes étaient tous français, avaient grandi en France et assassinés des personnes d'une vingtaine de nationalités différentes. La réponse du gouvernement aurait dû être de mettre en œuvre une vraie politique sociale, un désenclavement de nos quartiers, une vraie politique de l'emploi. Mais aussi, un rétablissement des forces de police supprimées sous le quinquennat Sarkozy et non rétablies par François Hollande.

Au lieu de cela, le gouvernement a déposé le 23 décembre une réforme constitutionnelle proposant la constitutionnalisation de l'état d'urgence et la déchéance de nationalité.

Deux mesures au mieux inutiles, au pire dangereuses. Inutiles, car qui cela arrêterait de risquer de perdre sa nationalité française avant d'aller se faire sauter au Bataclan ? Dangereuses, car la déchéance de nationalité créerait deux catégories de Français : les binationaux et les autres. Quant à l'état d'urgence, il ferait entrer la France dans une ère sécuritaire. Depuis l'instauration de l'état d'urgence les perquisitions arbitraires et les assignations à résidence se multiplient, visant les quartiers populaires, humiliant des familles innocentes, ciblant des militants mobilisés autour de la COP 21. Des manifestations revendicatives et des mobilisations citoyennes ont été interdites alors qu'étaient autorisés des événements sportifs et les marchés de Noël.

Face à ce constat, un collectif s'est créé dans le 10ème regroupant des associations (ATTAC, ACORT, Ligue des Droits de l'Homme, Ensemble, nous sommes le 10ème), des syndicats (CGT) et des Partis politiques (PCF, Ensemble !, PG, PCOF, NPA, EELV). Important de le constituer dans le 10ème, un arrondissement qui regroupe 72 nationalités différentes, qui a été touché par les attentats et qui, lors des élections régionales en décembre dernier, a accordé le plus faible score au Front national. Le 16 février 2016, une soirée a été organisée au Point Ephémère. Plus de 100 personnes sont venues échanger avec Marion Lagaillarde, du Syndicat national de la Magistrature, et Michel Tubiana, ancien président de la LDH. Tous deux ont expliqué les dérives de l'état d'urgence et la dangerosité de sa constitutionnalisation.

Le collectif a également rencontré la députée du 10ème, Seybah Dagoma. Celle-ci a voté  « pour » l'article 1 du projet de révision constitutionnelle (qui inscrit l'état d'urgence dans la constitution), « contre » l'article 2 (sur la déchéance de nationalité), s’est abstenue  sur l'ensemble du projet de révision constitutionnelle (en 1re lecture à l'Assemblée nationale), et a enfin voté « pour » la nouvelle prolongation de 3 mois de l'état d'urgence (jusqu’au 26 mai 2016).

Au sujet de la constitutionnalisation de l’état d’urgence, Mme Dagoma a expliqué qu’elle considérait cette disposition comme une avancée et un garde-fou par rapport à la situation actuelle, dans laquelle une simple majorité (et non pas les 3/5 des parlementaires) pourrait en faire un usage abusif dans le futur. Le collectif a indiqué que la priorité ne lui semblait pas être d’ajouter un troisième régime d’exception à notre constitution qui en compte déjà deux : les pleins pouvoirs au Président et l’état de siège. Plus généralement, le collectif a insisté sur le fait que cette réponse, de nature sécuritaire, ne répondait pas aux véritables enjeux de la lutte contre le terrorisme. Cette dernière passe, selon le collectif,  par l’augmentation des moyens des services compétents de la police et de la justice, mais surtout par un effort important en termes d’éducation, de réduction de la précarité, de lutte contre le chômage, la relégation sociale et la ségrégation territoriale. Mme Dagoma s’est dite en accord avec le collectif sur ce point.

Quoi qu'il en soit, le gouvernement aura du mal à obtenir les 3/5èmes des votes au Congrès, nécessaires pour faire passer une réforme constitutionnelle. C'est peut-être pour cette raison qu’il a fait passer une autre loi début mars, «Lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement» qui reprend un grand nombre de mesures sécuritaires (extension des moyens de renseignements à la police, atteintes aux libertés...). Le collectif Libertés et Solidarités 10ème dénonce cette mesure et de appelle à participer à la nouvelle manifestation qui se tiendra le samedi 12 mars à 14h au métro Saint-Michel.