Article de Journal à Paris 10 - Publié le Vendredi 22 Mai 2009 - Numéro de Juin - Juillet 2009

Logement social : la loi Boutin, une atteinte à la mixité

Votée en février dernier, la loi Boutin sur le logement est maintenant en vigueur. Elle impose l’application d’un surloyer, appelé « supplément de loyer de solidarité ». Elle aura pour première conséquence d’évincer les classes moyennes qui habitent dans des logements sociaux, mais  dont les revenus leur permettront difficilement  d’accéder à un loyer dans le privé.

Nous avons demandé à Michel Chevallier, membre de la direction fédérale de la CNL Paris, de donner son avis sur les premiers effets de cette loi à Paris et dans le 10ème.

Comment caractériser la situation du logement dans le X ème ?

Il est clair que notre arrondissement manque cruellement de logements sociaux. Aller vers les 20% dans le 10ème devrait être possible.

Je prends acte des efforts de la municipalité pour l’acquisition d’immeubles. Mais, il faut aussi utiliser toutes les niches possibles pour construire du logement accessible aux familles les plus modestes.

 Quelles sont les conséquences les plus importantes de la loi Boutin ?

On a déjà ressenti les premiers effets  cumulés de l’augmentation des  surloyers et de la baisse de 10% des plafonds de ressources. J’ai déjà constaté dans l’arrondissement le  déménagement de quelques familles, contraintes d’abandonner leur logement, le loyer étant devenu excessif.

 Le surloyer imposé par la loi Boutin va porter un coup terrible à l’institution HLM, conquête du mouvement ouvrier, et à la mixité sociale. Par exemple, le quartier Grange aux Belles, classé en politique de la ville, va encore voir sa population s’appauvrir ; le même phénomène se fera dans les secteurs Châlet Ste Marthe, dans les logements de la Sablière, avenue de Verdun…

Qui sera touché par la fin du maintien dans les lieux, prévue par la loi ?

Seront concernés tous ceux qui habitent un logement devenu trop grand pour eux. Cette mesure fait fi des conditions de la vie actuelle, où les couples n’ont plus la même stabilité qu’autrefois.

Seules, les personnes de plus de 65 ans et les familles qui comptent un handicapé auront droit au maintien dans les lieux.

Pour répondre au besoin de logements sociaux, comment dégager des financements ?

L’Etat doit redevenir le seul garant du financement du logement social. Aujourd’hui à travers des mesures comme le dispositif Robien, l’Etat subventionne davantage le secteur privé que le secteur public du logement.

Au contraire, pour une maîtrise de ce secteur d’activité vital, il faut  créer un véritable service public du logement et de l’habitat, dont le financement peut dépendre de mesures simples et peu coûteuses comme le relèvement du plafond du livret A, l’augmentation du 1% logement payé par les entreprises ou la révision des multiples mesures fiscales improductives mises en place ces dernières années..

Quant aux locataires du secteur privé, qui subissent tous les 3 ou 6 ans, des augmentations de loyers non négligeables ou qui doivent quitter leur logement à cause de congés vente spéculatifs, ils sont eux aussi victimes d’un système qui privilégie la rentabilité financière au détriment des besoins des individus.

Travailler à l’union de tous, logés, mal logés, locataires du secteur public, semi-public et secteur privé, est une nécessité pour mettre en place, dans la mixité sociale, une politique de logement à loyers accessibles à tous.