Mardi 2 décembre avait lieu, dans le local de la section du PCF 10, le tout premier des « Rendez-vous du 57 », consacré au thème du droit à la ville. Depuis de nombreuses années, Paris perd une partie de sa vitalité avec le départ accéléré des catégories populaires rejetées en banlieue et remplacées dans les quartiers par ces nouveaux bourgeois qu’on appelle parfois « gentrifieurs ».
Pour dialoguer, la parole avait été donnée à Anne Clerval, géographe et auteur d’une thèse universitaire sur la gentrification de Paris, et à Ian Brossat, élu communiste du 18e et, depuis cette mandature, adjoint à laMaire de Paris, chargé du logement.
Anne Clerval a repris dans un exposé très documenté les lignes forces de son travail (1), décrivant ces « gentrifieurs », les stratégies qu’ils déploient pour investir de nouveaux quartiers, l’ambigüité des politiques publiques qui accompagnent parfois ces conquêtes de nouveaux lieux de vie. Elle a longuement abordé, pour la rejeter, la notion de mixité sociale utilisée parfois par l’action municipale pour favoriser l’installation de ces couches nouvelles au détriment des familles modestes vivant dans les quartiers populaires, en particulier ceux de l’Est et du Nord de Paris, dont le nôtre.
Ian Brossat, pour sa part, a dénoncé la situation parisienne où il existe 200 000 logements, constitués de résidences secondaires, de meublés touristiques et de logements vacants. Ce potentiel de logements est soustrait à l’occupation pour et par des parisiens, alors que la demande est forte, et il pèse sur le prix du foncier contribuant à renchérir de façon excessive le coût du logement, qu’il s’agisse de l’accession à la propriété ou de la location (2) . Il a démontré que l’on pouvait en diminuer le nombre par des mesures de taxation, se réjouissant que récemment des dispositions aient été adoptées pour mettre en place une surtaxe des résidences secondaires dans les zones de forte tension de l’immobilier comme Paris, tout en regrettant sa faiblesse.
Répondant aux critiques d’Anne Clerval, il a affirmé que toute action publique n’est pas forcément incitative à l’embourgeoisement des quartiers, prenant exemple sur la politique de préemption qu’il entend élargir et qui ne chasse pas les classes populaires.
La cinquantaine de personnes présentes a pu assister à une soirée enrichissante où chacun des interlocuteurs a pu faire entendre sa différence, y compris quand l’universitaire abandonnant sa posture, s’est transformée en propagandiste politique. L’un et l’autre ont convenu que l’encadrement des loyers, telle que cette mesure est aujourd’hui prévue, ne résoudra pas le problème de la valse des quittances dans Paris, voire l’aggravera s’agissant des anciens loyers de logements occupés de longue date par le même locataire.
Ils sont aussi tombés d’accord sur la nécessité de la réquisition comme régulateur du système. Ainsi que sur le besoin de mettre fin aux expulsions, en particulier à celles les plus nombreuses à Paris, à l’occasion des congés pour vente.
(1) Anne Clerval est l’auteur d’un ouvrage intitulé « Paris sans le Peuple » aux éditions La Découverte
(2) Ian Brossat est co-auteur avec Jacques Baudrier d’un ouvrage « Paris n’est pas à vendre » aux éditions Arcane 17