Article de Vie locale - Publié le Mardi 7 Mai 2013

Paris n'est pas à vendre

Ian Brossat et Jacques Baudrier, tous deux élus communistes de Paris, proposent quatre mesures pour mettre un terme à la spéculation foncière qui ronge la capitale. L'expérience de leur mandat municipal les a convaincus que le problème du logement est la première préoccupation des parisiens. Certaines de leurs propositions n'ont aucune incidence financière; pour les autres, ils avancent des pistes de recettes supplémentaires. Ces mesures sont mises en débat. Elles doivent permettre de donner un souffle nouveau à la ville.
  • Ian Brossat et Jacques Baudrier, lors d'une présentation de leur livre "Paris n'est pas à vendre" dans le 20ème arrondissement, le 29 avril 2013.

Pour Ian Brossat et Jacques Baudrier, Paris étouffe sous la spéculation. En 10 ans, le prix du foncier a augmenté de 143  % . La baisse du prix de l’immobilier parisien, cent fois annoncée, ne s’est pas produite, faisant de Paris une exception dans le paysage français. La ville y perd son âme, la ville s’apauvrit.

Aux difficultés des parisiens à se loger, s’ajoute la disparition des petits artisans ou des commerçants les plus fragiles. Cette spéculation effrénée est le fruit d’un immobilisme volontaire privilégiant la liberté absolue du marché immobilier au détriment de la solidarité et l’intérêt général.

Même si plus de 70 000 logements sociaux ont été construits à Paris depuis 2001,  cela ne saurait à soi seul mettre un terme à cette course effrénée à la spéculation. Car durant  toutes les années où la droite fut au pouvoir en France, aucune disposition législative ou réglementaire n’y a mis un frein.

Aussi le constat est là. Des familles souffrent de ne pouvoir répondre à ce besoin fondamental : se loger. C’est vrai pour les mal logés en attente d’un logement social et aussi pour les locataires, une famille sur six à Paris, qui doivent s’acquitter mensuellement de loyers exorbitants qui réduisent leur pouvoir d’achat.  C’est vrai également pour certains propriétaires ne pouvant s’offrir cette pièce supplémentaire qui desserrerait les conditions de logement de la famille.

Partant du constat que le logement est une préoccupation majoritaire des parisiens, les élus communistes Ian Brossat et Jacques Baudrier, respectivement élus du XVIII et XX arrondissement, font quatre propositions qu’ils livrent au débat pour les élections municipales à venir . Paris n’est pas à vendre, affirment-ils et si les mesures pour revivifier la ville ne sont pas toutes consensuelles, c’est parce que ces  élus sont convaincus qu’aujourd’hui « la politique est malade d’un trop plein de compromis et se dévitalise à force de donner le sentiment qu’on n’a pas le choix… ».

Première de ces mesures : restituer à la location de nombreux logements aujourd’hui inoccupés ou sous occupés. Il s’agit d’une part des logements vacants dont le nombre à Paris est évalué actuellement à 42 000, soit le nombre de compteurs inactifs. Aujourd’hui les propriétaires paient une taxe dont le montant n’est pas dissuasif. Les élus communistes proposent de la porter à 50% de valeur locative la première année et 100% à partir de la deuxième année de vacance. Viennent ensuite les « meublés touristiques », appartements loués à la semaine à des prix très élevés et sans autorisation préalable. Leur nombre est d’environ 20 000. Enfin et on le sait moins, Paris recèle de   nombreuses résidences secondaires. Ces logements occupés de façon occasionnelle (80 000, soit environ 6% du parc parisien) sont beaucoup moins imposés, alors même qu’ils bénéficient d’un environnement de bien meilleure qualité que nombre de résidences principales de villes de banlieue dont les occupants paient des impôts plus élevés.

Sans construction de logements nouveaux et sans dépense supplémentaire, il est ainsi possible de dégager le tiers de ces appartements sous occupés et de donner  à la fois une bouffée d’oxygène à la location et contribuer à desserrer l’étau de la spéculation.

Ensuite les élus proposent l’encadrement des loyers. En moins de dix ans, les loyers parisiens ont augmenté de 45% contraignant les locataires à rogner sur toutes les autres dépenses du foyer ou à quitter Paris.  Le décret promu l’été 2012 n’a eu qu’une influence limitée sur les prix de location, tant les échappatoires pour les propriétaires restaient nombreuses. Les auteurs proposent que, sans attendre de nouveaux textes législatifs, la Ville de Paris conditionne les subventions qu’elle apporte aux propriétaires bailleurs à un engagement à ne pas dépasser certains loyers.  Là encore, cette mesure est sans effet sur la dépense publique.

Troisième proposition, relancer la construction afin de combler le déficit régional estimé entre 250 000 et 500 000 logements. Cela suppose des engagements plus ambitieux que ceux admis aujourd’hui. Mais en même temps, il faut que les logements construits soient accessibles, ce qui n’est pas le cas lorsque l’on sait qu’à Paris le mètre carré du neuf est de 15 000 € .

Il existe en Ile de France des villes qui ont négocié avec les promoteurs une charte fixant un prix maximum et une proportion de propriétaires occupants. Pour mettre en place ce projet ambitieux, Ian Brossat et Jacques Baudrier proposent la création d’une structure régionale ayant pour missionde veiller à ce que ces constructions soient articulées avec le développement économique et les transports en région.

Quatrième et dernière proposition, l’augmentation conséquente de la construction de logements sociaux : objectif de 30% en 2030. Tout  en veillant à ce qu’ils correspondent aux possibilités financières des personnes en attente d’un logement social et qu’ils permettent un rééquilibrage de leur localisation pour ne pas peser sur les quartiers déjà fort pourvus. Pour financer les mesures coûteuses de constructions neuves, les auteurs explorent des pistes de recettes supplémentaires, comme l’augmentation des « droits de mutation».

Véritable plaidoyer pour la ville, le petit opuscule paru aux éditions Arcane 17 est au cœur des débats qui s’amorcent pour préparer une prochaine mandature municipale, à la fois ambitieuse, sociale et solidaire. Ces propositions sont à discuter pour rompre avec la mortifère spéculation.